La fille-trampoline

Elle regarda autour d’elle et leva les yeux au ciel, soupira (son rituel de fille exaspérée), continua sa marche lente, passa devant la fontaine asséchée pour cause de coupure dans le budget communal, sentit les picotements escalader son avant-bras gauche et ignora la sonnerie de son portable, accéléra le pas au fur et à mesure que les picotements s’emparaient de son épaule gauche (là, on pouvait commencer à parler de colère), lança un regard meurtrier à deux pigeons qui décidèrent aussitôt de s’envoler à destination du pays des jeunes filles au regard doux et d’y demander l’asile politique, entama une course saccadée au fur et à mesure que les picotements envahissaient le bas de sa nuque (maintenant, il était question de rage), haleta bruyamment alors que que ses poumons cherchaient à s’enivrer de l’oxygène qui passait par là et s’arrêta brusquement quand les picotements atteignirent la dernière cervicale. La C7.

Elle s’immobilisa dans un grand frisson tropical, se donna enfin le temps d’inspirer et d’expirer à plein poumon (par saccades torrentielles), plaignit aussitôt la fontaine asséchée de se contenter de si peu, sourit à l’idée que ces deux pigeons à la con s’étaient cassés morts de trouille, se massa fiévreusement la nuque jusqu’à ce que la C7 se ramollisse sous la pression de ses doigts, esquissa un vrai sourire triomphant en cernant les silhouettes pataudes et blafardes qui l’observaient et jura que plus aucun connard n’entraverait ses trajectoires sautillantes.

Elle attendit que la C7 lui donne le feu vert pour une vie-trampoline.

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