La fille-trampoline (sacd 2024)

Elle regarde autour d’elle, lève les yeux au ciel 3 fois, soupire exagérément 3 fois (son rituel de fille exaspérée), reprend sa marche lente et hachée (comme si elle marchait sur un épais tapis de slime), passe devant la fontaine asséchée pour cause de coupure dans le budget communal, ressent des picotements engourdir son avant-bras gauche, ignore la sonnerie de son portable, accélère le pas au fur et à mesure que les picotements s’emparent de son épaule gauche (on peut commencer à parler de la fille en colère), lance un regard meurtrier à deux pigeons qui décident aussitôt de s’envoler à destination du pays des jeunes filles au regard doux et d’y demander l’asile politique, ignore la sonnerie de son portable, entame une course saccadée au fur et à mesure que les picotements envahissent le bas de sa nuque (maintenant, on peut commencer à parler d’une grosse colère), halète bruyamment, arrête sa course saccadée subitement, pile-poil au moment où les picotements (ceux-là même dont il est question plus haut) atteignent la C7.
Elle s’immobilise dans un grand frisson tropical, se lance dans une longue séance bruyante d’inspis et d’expis, jette un regard compatissant à la fontaine asséchée, lève la tête et sourit, cherche les deux pigeons trouillards dans le ciel bleu, se masse la nuque machinalement jusqu’à ce que la C7 se ramollisse sous la pression de ses doigts, ignore la sonnerie de son portable, esquisse un sourire narquois en cernant les silhouettes pataudes qui entourent la fontaine asséchée, attend que la C7 lui donne le feu vert pour reprendre une vie-trampoline, et fait le serment qu’aucun mec n’entravera encore ses trajectoires sautillantes.

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