Mois : avril 2018

Pas obligé d’aimer Brassens, Brel et Ferré (song-song 4)

Il y eut Et moi et moi je suis tout nu dans mon bain dans la radio du salon et, le dimanche, chez les louveteaux, Écoute dans le vent. Fender vs guitare acoustique + harmonica. Arrogance du rock vs bombe atomique. Et La poupée qui fait non comme fantasme pubère. Découvrir Blowin in the wind et la voix de Dylan. Dutronc et Dylan, goût prononcé pour les voix nasillardes. Polnareff ? La voie androgyne qui mènera à Bowie.

Avec Dylan, il y aura l’éducation politique. Gratter plus loin pour arriver à une autre voix nasillarde. Woody Guthrie, label Chants du Monde, label communiste, avec traductions sur le rabat gauche. Chants de luttes, chansons qui racontent la solidarité et le chaos social. Pete Seeger, Martin Luther King, marche pour les droits civiques, contestation made in US, Vietnam, anticolonialisme, possibilité d’une révolution venue d’ailleurs, antimilitarisme (à ne pas confondre avec « pacifisme », d’où une certaine sympathie et bienveillance pour la future bande à Baader). We shall overcome. Dylan comme fil conducteur quand il s’électrise, passe à la Fender, balance des textes oniriques et suréalistes, rencontre the lady of the lowlands. Rien de tout ça chez Brassens, Brel et Ferré.

Yellow submarine, légèreté obsessionnelle, et Mrs Robinson qui mènera quelques années plus tard au cinéma US (se retrouver en kot à Bruxelles, rue de l’Arbre béni, à une dizaine de mètres du STYX et à quelques centaines de mètres du Musée du Cinéma, ça aide.) Impasse complète sur La nouvelle vague. Impasse presque complète sur Mai 68 (voir Daniel Cohn-Bendit aujourd’hui, ça justifie ce genre d’oubli.) Jan Palach s’immole devant les chars russes à Prague, traumatisme en Noir et Blanc, éclipse de l’âme. Napalm sur les rizières vietcongs, brûlures schizophréniques. Le Che qui n’était pas encore un poster rouge sang. Bienvenue dans l’adolescence. Welcome ! Tout ça avec Graeme Allwright comme traducteur monocorde de Dylan, Pete Seeger, Tom Paxton, Léonard Cohen.

Léonard Cohen et l’intime. Révolution introspective.
Les sœurs de la Miséricorde, par exemple. Voix monocorde vs voix monocorde. Cohen vs Brassens. Et Cohen de chuchoter : Quand tu as commencé à m’aimer, j’ai commencer à jeûner. Y’a pas photo. Y’aura jamais photo. Comme si la langue française n’avait été fréquentable qu’en tant qu’outil de traduction. Quant à Brel, avoir une mère hystérique à la maison, ça n’aide pas ! La voix, les intonations, les textes de Brel. Maman sors de ma chambre, c’est MA chambre. Aucune possibilité d’identification. Quant à Ferré, sa voix, ses violons grandiloquents !

Avec Ferré, il y aura le dégoût d’une langue française prétentieuse et vaniteuse. Les futurs camarades staliniens ou/et trotskistes de Bruxelles, hipsters des seventies, la pipe coincée entre les dents en lieu et place des tatouages sur les avant-bras, n’arrangeront rien. Envies de licences de droit ou de psycho pour changer le monde « de l’intérieur ». Ferré leur offrira un dialecte anarco-bourgeois (Quand je vois un couple, je change de trottoir.) Brassens proposera des chansons pour se saouler mollement dans les bistrots bordant l’université. Brel partagera son trop plein de larmes faciles dans les bras de femmes et d’amis saouls.

Dix « chansons françaises » sans Brel, Brassens et Ferré

 

Traduction et version intégrale de  Sad-eyed lady of the lowlands / Bob Dylan