Samedi 20 novembre 2010
Ségou. Devant le Niger, avec mon pote, mon cama. Avec une grande, grande bière. Deux grandes bières. Légère ivresse. On loge dans l’auberge de Titi. J-M est parvenu à le convaincre de nous accompagner demain au pays Dogon. Titi et sa polio, ses béquilles, sa crise de palu et son cerveau qui n’a vraiment pas besoin de béquilles. Titi avec qui on aura des discussions d’enfer sur l’Afrique, l’Europe. Sans complaisance pour l’une ou pour l’autre. Au pied de la falaise mais, ça, c’est encore une autre histoire.
Dimanche 21 novembre
On n’est plus qu’à une cinquantaine de kilomètres de Banani, au pied de la falaise de Bandiagara. Nous, on arrive par le dessus de la falaise. On mettra plus de trois heures pour arriver là en bas avec le Rav 4. Périple caillouteux. Le soleil tombe plus vite que prévu. La nuit. On n’avait pas prévu du 15 km/h comme moyenne. Ramasser un caillou rouge. Pas difficile, on roule au pas. La nuit. Passer du plateau chaotique, lunaire à la descente pas vraiment rassurante, vertigineuse, comme dans une pub pour 4×4. La nuit absolue. Sans transition. Faudra attendre le matin pour se taper le paysage dans la gueule. Avec en face du campement, cette falaise rougeoyante de deux ou trois cents mètres de haut. Et un baobab là-haut, accroché au bord du vide.
Bam-Bam dans la gueule.
Titi trop faiblard nous présente Joseph, un Dogon de 40 balais qui nous guidera. Le tour du propriétaire, des quatre villages dogons de Banani. Les légendes/histoires vraies ou pas vraies (suis pas là pour comprendre, juste pour m’immerger, me noyer). Et puis les télems, ces pygmées venus du pays mandingue et leurs habitations troglodytes à 150 mètres de haut. Et encore des légendes/histoires vraies. Les symboles « animaux » aussi, très présents. Le croco qui plonge doucement, flop-flop (Y en a deux dans la marre, à une dizaine de mètres. Me demandais la veille, en fumant ma clope, les pieds qui pendouillaient au-dessus de la flotte, ce qu’était ce grand « flopflop », à deux reprises).
Joseh: De toute façon, tu lui as rien fait… il t’aurait rien fait.
Mardi 23 novembre
On part pour Yogou, à une dizaine de kilomètres de Banini. Titi et J-M en voiture (insolation pour J-M). Marcher sous le soleil vraiment pétant. Gamine de 11, 12 ans qui nous suit depuis un moment. Elle chantonne. Je sue dans les pas de Joseph. Gamine se rapproche, toujours en chantonnant, me prend les doigts. Chantonne.
Joseph: Elle voudrait que tu l’emmènes en Belgique!
Moi : Tu peux lui dire que je pourrais être son grand-père.
Joseph se retourne vers elle, quelques mots. La gamine bifurque aussitôt sur la droite.
Jean-Marie et Titi restent au pied de Yougo (écriture phonétique !). On part nous deux, Jo et moi, avec sac à dos pour passer la nuit de l’autre côté. Ce mec a été un cabri dans une autre vie ! Montée, escalade à donf. Moi, je prétexte des photos à prendre pour m’arrêter, souffler. Soleil dans la nuque et puis rideau d’ombre. Vite, l’ombre pour se reprendre, ne pas s’étouffer ! Crevasse dans la falaise, anfractuosité. Grande cicatrice verticale ouverte. Et des yeux. Cinq ou six paires d’yeux.
Jo me présente sa grand-mère. Images d’une préhistoire futuriste. Mélange de photos tirées d’albums des années 20 (1920) et de séquences de Mad Max (le 2). La vie quelque part à 9000 kms de Liège-Luik-Lüttich dans un décor de préhistoire. L’afrique, berceau du monde.
On reprend l’ascension entre deux crevasses, toujours à monter la falaise rougeoyante. Là, plus question de croiser des toubabs. Suis le seul visage pâle errant. Là, on quitte le deuxième village (on a « sauté » le premier). Les villageois, ils descendent trois kms pour aller chercher de la flotte au puits, trois kilomètres pour la remonter. A l’ancienne.
Difficile de « faire » dans la description. Fadasses, les mots. Traites, aussi. Comment décrire ces villageois croisés ? Peur du voyeurisme, du regard torve. Simplement vous dire: grand moment ! Égoïste, forcément.
Et le plateau tout en haut, au moment du coucher de soleil. Paysage lunaire. Roches plates, cuites par le soleil. Noires. Et la descente au troisième village, sur l’autre versant. Et le campement à mi-hauteur, avec les habitations troglodytes des télems juste au dessus de nos têtes. Et les villageois du troisième Yougo (je crois que c’est Yougo !). Et les discussions avec Joseph qui aimerait tant quitter la falaise pour Bamako. Mais, voilà, ses parents l’ont désigné pour s’occuper d’eux à la mort du frère aîné. Jo et ses deux femmes. La première vit ici, avec lui, au pied de la falaise. La seconde vit à Bamako. Punie, elle ne « sait » pas avoir d’enfants. Il va la voir à Bamako une fois par an. Punie.
24 novembre
Mercredi matin, J-M et Titi nous rejoignent dans la descente. On double un mec qui monte un sac de 50 kgs de sucre, des gamines qui descendent chercher l’eau. Jeudi, retour à Ségou. Vendredi, retour à Bamako, dans l’appart juste à côté de la mosquée. On retrouve le grand lit pour deux. M’y fais toujours pas. Idem pour lui, je crois. Et mercredi prochain, retour au pays gris. Et jusque là, rien que Bamako.
Bamako, vendredi 26 soir. Après la prière (on a une mosquée du style bricolo en bouts de tôles ondulées, à 20 m de l’appart avec sono d’enfer, distorsion, essai micro one two three, fuzz, et tout et tout). La veille, retour de Ségou, du périple au pays Dogon. On a pieuté dans 13 endroits différents depuis Liège-Luik-Lüttich. Un peu épuisés, les mecs. Rencontres toujours fortes avec des gens que J-M connaît depuis 7 ans. Retrouvailles avec Zara, dans sa mini quincaillerie, avec le thé d’enfer qui speede parce qu’il fallait attendre le troisième, celui de l’amour. Retour dans le resto (camerounais, je crois!). Quand je suis arrivé à Bamalo, on n’avait pas de chaises dans l’appart. Le patron du resto m’avait emmené en scooter pour en acheter. Retour du magasin fourre-tout dans la circulation, en slalomant, à l’arrière du scooter, avec une chaise en plastoche blanc qui pendouille à chaque bras.