Vendredi, après le film, pendant le générique, une des deux tables à droite quand on sort de la salle, devant deux vins blancs parce qu’on était vraiment pressés de boire pour oublier, elle a dit.
Elle a dit.
T’as vu le public ce soir, non mais regarde, on dirait tous des médecins retraités, avec des chemises à petits carreaux et des pulls fuchsia à ras du cou, un truc de bobos tordus juste comme il faut qui te donne le sentiment d’être aussi futé qu’un scénariste de film français, quoi !
Elle a dit.
Ils sont écrivains tous les deux ça c’est une grande idée, c’est elle qui réussit évidemment, évidemment elle lui a tout pompé, ils ont vécu à Londres, puis ils vont habiter dans un grand chalet à la montagne là où il a passé son enfance, puis leur enfant se fait renverser par une voiture, que c’est sûr que c’est courant que lorsque tu te fais renverser par une voiture ben tu te retrouves avec une lésion du nerf optique, puis que le père est culpabilisé à mort, qu’il est persuadé que c’est de sa faute, que la mère ne pense qu’à sa carrière à elle, que le gosse aveugle est méga futé (mieux que s’il était voyant, ce qui est une trouvaille scénaristique de la mort qui tue), qu’il joue du piano super bien pour un gosse de son âge, ah oui, j’ai oublié, la mère qui est bisexuelle, que ça, en terme de narration, c’est vraiment mais vraiment futé, que ça en fait quelqu’un d’encore plus coupable que si elle s’était contentée d’être bêtement hétéro.
Elle a dit.
Il n’y a aucune dramaturgie là-dedans, on dirait les conneries de la tv (crimes impunis – affaires criminelles non élucidées – crimes et indices), et le père qui a enregistré toute la dispute de la veille de sa mort sur une clef usb ce qui rend sa femme suspecte à fond, que c’est quand même génial qu’il l’ait enregistrée pcq c’est une sacrée trouvaille scénaristique géniale.
Elle a dit.
Que c’était sans compter le gosse aveugle méga futé (bien plus futé qu’un gosse voyant-premier-de-classe), que n’importe quel ado rêveur pourrait écrire ce genre d’histoire pour peu qu’il ait fait Erasmus vu qu’ils sont parfaits bilingues (l’enfant le père la mère), qu’on passe d’une langue à l’autre, que ça ajoute une densité dramatique, ah ah ah ah.
Quand on est sorti, sur la terrasse du bistrot, il y avait trois bobos sérieux comme des médecins quarantenaires qui fumaient leur clope. Une des trois aux deux autres :
– Ça m’a rappelé Chambéry !
Nous deux, on n’a jamais été à Chambéry. C’est peut-être pour ça que…
La veille, elle a dit.
On va le voir ? C’est au Parc, à 20 heures, on ira à pied, c’est à 25 minutes de chez moi. En plus, j’aime bien le titre. Anatomie d’une chute.
En rentrant chez elle (à pied), on s’est remémoré ces films qui traitent de l’émotion dans toutes les nuances, sans verbiage, sans grandiloquence, sans bavardage. Love life de Koji Fukada, par exemple.
(sacd 2024)

mais le chien jouait pas mal…
vu ce film hier… je n’en garderai pas un souvenir ému… et il renforce ma préférence pour le cinéma britannique.
Oui, Françoise, dac pour le chien. J’ai pas pigé pourquoi on avait crié « Au génie ». Juste un bon film français pour un film français. Evidemment rien à voir avec le cinéma britannique. Chez les Français, toujours ce contexte de milieu bourgeois, socialement et intellectuellement.