Quand la grosse-jeune toute en rose déposa sa main sur son genou nu (je suis en short), il ne pouvait que le constater. Aucune possibilité d’extérioriser la moindre émotion sexuelle au milieu de 17 adultes – dont deux autres très-très-grosses – et 2 ou 3 enfants. Sans oublier les deux ados accrochés aux portes arrières, et les deux notables + le chauffeur sur la banquette avant. Impossible de voir dans ce toucher de genou la moindre expression d’une torride sensualité. Il était coincé depuis près de 3/4 d’heure dans un des deux coins de la banquette en U , Soumi à sa gauche, J-M à sa droite. J-M lui répéta que c’était une erreur stratégique de s’être assis là. Il était compressé, écrasé, comprimé (j’étais compressé/écrasé/comprimé) entre des épaules, des cuisses et des genoux inconnus.
Son corps était morcelé, la tête, la nuque et le tronc séparés du bassin, des cuisses et des jambes. Le pénis au-dessus, les testicules quelque part en bas, avec une ligne de démarcation passant par le pubis. De temps en temps, Mango man (moi) soulevait son cul de deux ou trois centimètres en empoignant le longeron du toit de la main droite, histoire de s’étirer, de soulager le dos. Pas plus de deux ou trois centimètres. La trouille de se faire éjecter dans la stratosphère par la pression des autres. Si ça, c’est pas de la promiscuité ! Si ça, c’est pas une métaphore de l’arche de Noé (je préférerais encore mourir noyé) !
Il y a le haut parleur pourri dont sort la voix distortionnée de Withney Houston, il y a une très-très grosse et une normalement grosse qui s’engueulent, se crêpent les nattes, hurlent pour une histoire de place perdue après le septième arrêt, la fois où ils sont tous descendus de la camionnette tôlée parce qu’il fallait retirer deux fines plaques de métal sur lesquelles reposaient leurs pieds, une table basse en plastique, la roue de rechange, trois gros cabas et les deux très-très grosses + 2 ou 3 enfants.