Le 15 ou 16 novembre 2010, Bamako, le Marché Rose. On franchit un dédale d’allées encombrées, bruyantes au-delà de toute imagination. Bousculades tranquilles et joyeuses. On monte et descend des escaliers encombrés, bruyants. On arrive dans un salle assourdissante au delà de toute imagination. TicTicTicTic. Des dizaines (des centaines ?) de mains tripotant des machines. TicTicTicTic. J’enregistre tout. J’ai glissé l’enregistreur dans un gant de toilette, plus discret, moins voyeur. Et puis, le gant de toilette amortit les chocs, évite les bruissements, les frottements quand on se fraye un chemin entre toutes ces voix et ces boubous multicolores qui s’interpellent. L’autre main, celle sans le gant de toilette, contrôle de manière permanente le porte-feuille. Tout autour bouffe, fausses Nike, faux « tout ce que tu veux ». Dédale de corps. Essayer d’être transparent. Pas blanc, transparent. Impossible, évidemment. Surtout ne pas être pris pour un touriste (impossible évidemment puisque blanc-pas-transparent).
On n’est pas venu ici par hasard. JM veut voir Baru, Baru-le-Rasta, vieux gosse des rues. Après une trentaine de minutes où je me contente de le suivre sans me faire distancer (il n’y a pas de possibilités d’appel au micro pour les enfants perdus !), après avoir monté, descendu, traversé, on débouche sur une terrasse étroite qui surplombe le Marché Rose. La position du voyeur en extase. Plongée. En bas, vu d’en haut. Ça grouille, ça crie, ça résonne. Ça pique aux yeux, toutes les couleurs en bambara. Je veux me faire greffer une caméra à la place d’un des yeux… c’est possible, docteur ? Tout au bout, là-haut, petit carton: Si je ne suis pas là + numéro gsm. Baru-le-Rasta-coiffeur. Sa tondeuse, attachée à une corde, pendouillant à un clou. Petit coup de fil et retrouvailles 5 min plus tard. Retrouvailles, embrassades entre Baru-le-Rasta-coiffeur et JM, le Vieux Lion. Et Soumi que je retrouverai en 2015 dans le pays Dogon.
Ibrahim, Hamadou (Zara), Baru, Ismaêl (Soumi), Oumou, Ernest, Fatou, Abba, Sidi, Sadi, tous les Bolli, Malik, Falery, l’agronome belge de l’ulb, Boubacar, Titi, Yaya, Bina. Visages par ordre d’arrivée entre Bamako, Fogoti et Ségou. Énumération parce que les phrases sont au bord de la trahison. Compliqué, délicat de traduire, pas de traduction, des sons, palabre. Peur des mots, qu’ils dénaturent tout. Alors, utiliser le plic-ploc, le cut up, les bouts de phrases. Ne pas trahir. Surtout !
