Juste un dimanche d’été 1/2

Il avait acheté une Golf caddy blanche, un pick up à l’europénne. Phantasme d’Amérique ? Juste de la place pour deux, c’était l’époque sans enfant. Le soleil tapait sur le pare brise, dimanche d’été. C’est lui qui conduisait. Eux deux, ils se regardaient par à-coups. Regards vitreux. Vitres grandes ouvertes, visages aspergés de courant d’air chaud. Ils se regardèrent encore, coups d’œil flous. Ils se demandèrent si c’était un bon plan ce truc à Bruxelles. C’était les années 80, les années tequila frappée (beaucoup) et coke (un peu). Là, maintenant, il devait être dans les 11 heures du matin. Ils étaient attendus à Bruxelles pour midi. Était-ce vraiment un bon plan ?
Quand Guy leur a téléphoné il y a 3 jours, ils n’avaient pourtant pas hésité. C’est le charme des grands arnaqueurs et des grands flambeurs. Avec eux, on se jetait à l’eau, on se découvrait des capacités à l’apnée. On n’hésitait pas avec Guy, on fonçait. Cependant, ni l’un ni l’autre n’étaient naïfs. Intuitivement, ils se doutaient bien que c’était un personnage sulfureux. Surtout pas d’histoires de pognon avec Guy ! Tout Bruxelles le saurait dans les mois qui suivirent. Il avait le charme insidieux d’un grand frère. Quand ils se retrouvaient à trois, il se lançait toujours dans des discussions étranges où se mêlaient plans foireux mâtinés de spiritisme, d’ésotérisme et de spiritualité. Jamais de vulgarité dans la bouche du vieux gendre idéal, juste l’accent des beaux quartiers de Bruxelles. Drôle de lien entre le jeune couple et ce grand homo au costume bleu (toujours), une main enfoncée dans la poche du pantalon (toujours), l’autre s’agitant à grands gestes amples (toujours).

Il y a trois jours, ils parlaient tous les deux de Guy. Il y avait un bon bout de temps qu’il ne l’avaient plus vu, que, d’habitude, ils suffisaient qu’ils parlent de lui pour qu’il fasse irruption dans l’heure qui suivait. Ils sourirent. Leur complicité fut interrompue par la sonnerie du téléphone. Il se leva, il décrocha. Elle lui fit signe en remuant ses lèvres silencieusement. Il acquiesça par un hochement de tête. Il écouta son interlocuteur 2 ou 3 minutes avant de lui répondre que c’était d’accord pour dimanche midi à Bruxelles.

La chaleur lourde ne se laissait pas influencer par les deux vitres baissées. Elle lui dit que c’était vraiment un mauvais plan, qu’ils avaient la tête dans le cul, qu’ils allaient s’endormir là-bas, que ce n’était pas le bon jour pour une telle expérience, qu’ils ne tiendraient jamais le coup, qu’ils s’endormiraient au bout d’une dizaine de minutes, que c’était vraiment (elle dit « vraiment » trois fois de suite) un mauvais plan. Il lui sourit, les deux mains agrippées sur la partie supérieure du volant, le regard se perdant au loin dans le goudron surchauffé. Il se remémora les dernières heures, cette courte nuit de tequilas frappées entre amis interrompue par la voisine du dessus qui s’écria qu’il fallait respecter les voisins, qu’il fallait être tordu pour donner des coups de marteau à 3 heures du matin, que le sommeil, c’est sacré. Ils étendirent un essuie sur la table afin d’atténuer le bruit du cul des bouteilles sur la table en métal de la cuisine.

(à suivre)

https://michelvandam.com/2017/11/30/juste-un-dimanche-dete-2-2/

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