– C’était étonnant, non ?
Elle sourit, le regarda. Ses yeux reprirent leur place face à la route. Maintenant, leurs regards se projetaient au-delà de l’asphalte consumé par la chaleur du milieu de l’après-midi. Les courants d’air chaud balayaient leurs tempes. Elle répondit enfin :
– C’était incroyable !
Elle ajouta :
– T’as vu l’état dans lequel on est arrivés toute à l’heure ! Des zombies. On rampait. J’ai cru que j’allais vomir en rentrant dans cette maison. Pourtant, j’avais plus rien dans l’estomac. J’avais déjà tout vidé ce matin avant de partir.
– Et maintenant, tu te sens comment ?
– Légère. Et toi ?
– Même chose.
Quand ils arrivèrent peu avant midi, Guy les accueillit dans une maison de maître, dans le haut de Ixelles. Il les précéda dans un haut couloir vide de toute décoration murale. Ils pénétrèrent dans une pièce encore plus haute aux immenses fenêtres obturées par de longs et fins volets en bois. Une fraîcheur toute relative les enveloppa. Guy les abandonna. Un homme les attendait dans ce qui aurait pu ressembler à un salon s’il y avait eu ne fusse-ce qu’un fauteuil ou deux. Juste un plancher désert avec un homme au visage émacié qui les attendait. Il y a trois jours, Guy leur avait proposé de participer à une expérience ésotérique avec un soufi.
Deux années plutôt, ils avaient passé un mois en Turquie avec deux objectifs. Le premier était d’aller à Istanbul retrouver leur pote Ayan, le second étant de se rendre à Konya, la patrie des derviches tourneurs. Deux années plus tard, Guy leur proposerait de rencontrer un maître soufi. Ils se retrouveraient allongés à tour de rôle sur un plancher nu au plafond haut.
– Tu sais, c’était spécial quand mon rythme cardiaque s’est ralenti… que mes jambes et mes bras se sont engourdis, qu’il faisait si froid, glacial.
– Il avait posé ses mains juste au-dessus de ton cœur et, quand tu lui a dit que tu étais frigorifié, il les a déplacées légèrement.
– J’étais complètement parti… j’étais super bien mais complètement parti !
– C’était une forme d’hypnose, tu sais !
– Et puis, juste après, il y a eu ce truc où je me suis retrouvé aspiré, propulsé à 10 000 km de haut !
– Oui, oui… il était accroupi derrière toi avec ses bras et ses mains étendus à 50 cm de ton torse et puis il s’est relevé soudainement, d’une pièce, comme une catapulte, les bras et les mains toujours à l’horizontale.
– C’était incroyable, cette sensation de se retrouver projeté dans l’espace !
Il lui dit que, par la suite, il était beaucoup trop dans le gaz pour se rappeler ses trucs à elle. Elle lui raconta son histoire à elle qui était très proche de la sienne. Elle aussi avait été se balader dans les étoiles.
– Et là, tu te sens comment ?
– Toujours super méga bien. Et toi ?
– Même chose. Et si on se faisait une séance tequila frappée à la maison, rien que nous deux ?
Elle éclata de rire.
La Golf caddy blanche glissait sur le goudron flasque, le soleil ne disparaîtrait pas de sitôt.

Une réflexion sur “Juste un dimanche d’été 2/2”