Dehors, il y a une petite file sur le trottoir de la librairie. C’est Loto. Le week-end dernier, un petit mec s’est fait cogné par un paquet de flics. Pas de chance ! Le petit mec, lui, ne demandait pas des millions. Il allait chercher de l’aide alimentaire.
Dedans, je sens un gouffre s’ouvrir sous mes pieds depuis le début de la semaine. Un petit gouffre de rien du tout dans un grand appart, ça fait chochotte ! Pourtant, ce matin, j’aurais dû hurler de joie ! J’ai reçu 2 vinyles. Le premier venait d’Allemagne, le second d’Angleterre. Des trucs pas connus donc ça sert strictement à rien d’en parler. Des trucs qui me faisaient saliver quand je les ai commandés au tout début du confinement. Là, j’en ai juste rien à foutre.
Dehors, les sdf naviguent d’un passant à l’autre. Les mecs en bagnoles, eux, prennent leur pied le pied au plancher. VROUM, VROUM, VOUS N’AVEZ PAS UN PEU DE MONNAIE, J’AI FAIM. Dehors, il n’y a plus aucun migrant qui boit la tasse dans la méditerranée. La preuve ? Ils n’en parlent plus à la TV. Si c’est pas une preuve, ça !
Dedans, il y a cette incapacité à continuer ce roman de John Cheever commencé une dizaine de jours avant le Confinement Universel. Incapacité à rentrer dans un univers au long cours. Ce n’est pas que je trouve mon intériorité nettement plus intéressante ! Dedans, depuis le début de la semaine, il y a cette incapacité à se satisfaire de soi-même.
Dehors, le décor est en place. Tout est fin prêt pour nous accueillir dans un nouveau monde glacé. Les flics bombent le torse, la 5G grésille d’impatience, les délateurs sont tous à la fenêtre, leurs lèvres crachant au 112, leurs doigts caftant sur facebook. Fuck aux adeptes du Grand Changement Positif de l’après Confinement Universel !
