Les mots qui font des histoires // les détails

Le mot détail est souvent assimilé au mot description, ambiguïté rarement levée par les profs de français ! Péjorativement, il renvoie également à des adjectifs comme: petit, succinct, voire dérisoire, mesquin, inutile, quelconque, superficiel… Bref, un mot, au début d’un atelier d’écriture, à utiliser avec précaution.

Il est important d’écrire sur ce qu’il y a devant notre nez. Eviter l’idée, être dans la chose. Dans la vie, la nôtre. Il faut se méfier comme la peste du concept… à moins qu’on ne se lance dans un essai. Il n’y a rien de plus vague, par exemple, que des termes comme beauté ou… con.
« Je déteste les cons ! » Okay, je comprends bien mais votre « con »  n’est pas le mien. Nous n’avons pas nécessairement la même notion de la connerie. Idem pour le mot « beauté ».
Il faut préciser ses images au lecteur afin qu’il rejoigne l’univers de l’écrivant. « Je déteste les cons » deviendra : je déteste l’ado en bas de chez moi avec son t-shirt Calvin Klein rose fuchsia qui me troue les tympans avec de la R’n B.

Ecrire « J’adore la musique » ne me parle pas. De quel genre de musique parle mon interlocuteur ? Qu’entend-il par musique ? Une musique de fond ou celle dont on pousse le volume à fond ?
J’adore André Rieu ou la musique psychédélique ou Bach ou le punk permet au lecteur de se situer, de s’identifier ou non, de greffer ses propres images au texte lu. De les projeter beaucoup plus loin. Je peux imaginer (exagérer, prendre le contre-pied) : le salon d’un admirateur inconditionnel de Johnny Hallyday, la chambre d’une fan de Franck Michael.
Idem quand on se réfère aux cinq sens. Le parfum, était-ce du patchouli ou du Chanel 5 ? Le Chanel 5, une dame de 70 ans ? Le patchouli, une jeune fille de 15 ans ? Si on inversait les singularités ! Du patchouli ET une dame de 70 ans, du Chanel 5 ET une jeune fille de 15 ans. L’utilisation des détails offre un champ d’exploitation infini à l’autobiographie, l’autofiction et la fiction.

Utiliser les détails, c’est mettre le doigt sur ce qui nous singularise et nous relie aux autres. C’est une façon d’être dans le monde. Il faut faire la guerre aux mots vagues, imprécis à moins que l’intention de l’écrivant soit de perdre le lecteur, ce qui est une vraie démarche (l’importance du « Point de vue »).
Utiliser des détails, c’est renvoyer des images et, ainsi, proposer des raccourcis au lecteur. Et, in fine, échapper à toute forme de description asphyxiante ou anesthésiante.
Utiliser les détails offre des bénéfices collatéraux à l’écrivant lui proposant un processus déclencheur. Plus un mot est précis, plus il est imagé, plus il est porteur d’image, plus il va renvoyer à d’autres images, d’autres mots (voir « La liste de courses »). Si je prénomme un de mes personnages Isabelle, je vais inconsciemment dérouler une pelote de laine qui va me mener à mon « stock d’Isabelle », à toutes une série de traits de caractère, de caractéristiques physiques, de souvenirs liés à ce prénom. Un terreau infini dans sa biodiversité.

Remarque
Concernant les longs textes descriptifs, se référer aux droits du lecteur énoncé par Daniel Pennac dans « Comme un roman » et qui nous autorise, entre autres choses, à passer outre, à gommer une longue description, par exemple, chez Dostoïevski.
Le droit du lecteur à ne pas s’ennuyer. Idem pour l’écrivant, évidemment.

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