Ce qui caractérise l’écriture, comme tout travail artistique, toute démarche de création (au-delà des genres, styles, techniques, courants qui ne sont que des langages, me semble-t-il), c’est le point de vue. L’endroit où l’on décide de placer sa caméra : plongée ou contre-plongée. La focale : gros plan ou plan large. Tout est une question de regard.
Le regard, au-delà de pathologies type myopie ou presbytie (humour !), est un alliage bizarre, la résultante complexe de l’éducation scolaire ou non, familiale, de la culture « officielle » ou non, du vécu,… Et ce, dans des proportions infiniment variables. Un exemple un peu bateau : le verbe aimer. Le sens que l’on va donner à ce verbe, quand on le glissera dans un travail fictionnel, dépendra de chacun.e. De son histoire personnelle, de la géographie (selon qu’on vive dans le Montana, à Barcelone ou à Bamako), de ses goûts (les goûts et les couleurs), etc.
On a répertorié une bonne vingtaine de thématiques différentes dans l’histoire de la littérature mondiale. En deux mots, tout a déjà été écrit. Alors, pourquoi écrire ?
Le point de vue implique ainsi la place physique que l’écrivant occupe dans le monde. Suis-je à 10 centimètres ou à 10 kilomètres de la chose racontée ? Quelle est la part de moi dans cette histoire racontée ? Quelle est la traduction que j’en fais (retour à l’alliage bizarre) ? Quels sont les filtres que j’utilise, consciemment ou non, pour traduire cette histoire dont la thématique a déjà été abordée des milliards de fois ?
Ainsi, le problème n’est pas tant le sujet, qui pourrait même n’être qu’un prétexte à écrire, que la manière dont on va amener / emmener le lecteur dans sa vision personnelle du monde.
Et si on disait que : Écrire, c’est regarder dehors et écouter dedans.