Et si on commençait par l’odeur prégnante des épineux, de l’obscurité profonde qu’ils projettent sur le sol. Alors, seulement, on pourrait raconter une histoire vieille de 80 ans.
Il y aurait Lui qui s’est retrouvé au-delà d’une forêt immense sans clairière. Il y aurait Elle qui l’attendrait 7 années à l’orée de la forêt d’épineux. On sait tous qu’aucune ligne d’horizon ne peut venir à bout d’une forêt de conifères. Aucune perspective ne peut se dessiner dans un mikado vertical de troncs sidérés, orphelins de soleil. L’absence de l’Autre se conjuguerait avec l’absence de ciel.
Lui, il partirait en Allemagne parce que c’est l’époque qui voulait ça. On était en guerre. « On », c’était toute l’Europe. Lui n’avait pas eu le choix. Elle n’avait pas eu le choix.
Ils attendraient que la guerre s’estompe de part et d’autre de la forêt au goût de résine, amer, épicé. Alors, Elle attendrait son retour.
Quand ils se sont vus la première fois entre quatre yeux, le Créateur a raconté au Narrateur l’exil de la Mère qui attend le Père pendant 7 ans, de l’obsession du fils pour les frontières indicibles. « Tu vois, j’aimerais que tu écrives un texte sur l’exil immobile de celle qui ne bouge pas, qui reste en plan dans l’arrière-plan, entravée dans l’attente pétrifiée ».
photo © Jean-Paul Laixhay
(j’ai écrit ce texte dans le cadre du (beau) livre consacré au travail de Jean-Paul Laixhay et de l’expo au centre culturel de Marchin : Chemin faisant.)
Salut Michel , j’adore ton texte ! A bienôt Colette
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