Aujourd’hui, j’ai vu défiler des dessins de Silence sur l’écran. J’ai cherché ses bouquins dans la bibliothèque Billy blanche (je suis nul en classement, il n’y a que les tranches des albums pour m’y retrouver), j’ai feuilleté les bouquins de Comes, je me suis dit que je n’avais toujours pas acheté Dix de Der alors que j’étais sorti de l’expo groggy par la beauté des planches (rétrospective Comes à Liège, en 2012). Bon, je ne vais quand même pas me pointer chez Livres aux trésors demain, ça ferait un peu groupie nécrophage « Michael Jackson ». Je ne vais pas non plus leur commander la réédition en vinyle de Joy of a toy de Kevin Ayers.
Bernard m’avait initié à Reiser, Bretecher, Gotlib et Mandryka. Moi, j’avais découvert Crumb dans mon coin. Juste à ce moment-là, il y eut les premiers numéros d’A Suivre, mensuel bd se déclinant exclusivement en N & B, avec Ici-Même de Tardi et Silence de Didier Comes. Là, on n’était plus dans l’humour délirant de la bande de L’Écho des Savanes. Avec eux, on plongeait dans le roman fictionnel.
En peinture, j’y connaissais rien… juste les expressionnistes allemands. Et hop, je tombais sur des bd avec les mêmes visages anguleux. Là, je suis tombé dans le N & B, celui qu’on plaque par aplats, qui contrefait le réalisme, qui sort du trait par grosses taches. Difficile après de revenir aux couleurs du réel qui ont toujours l’air à côté de la plaque.
Au départ, il y eut Silence.
Kevin Ayers, c’est encore Bernard (c’était surtout un fan de Gong). Le dandy anglais, tout blond à la gueule d’ange, jouait dans le premier album de Soft Machine (Plus belle qu’une poubelle, c’était lui). Je crois que Bernard préférait Robert Wyatt et sa voix aigrelette. Moi, c’était la grosse voix de Kevin Ayers.
Je n’avais eu aucune difficulté à avaler Transformer de Lou Reed et Fun House des Stooges, ça me paraissait normal, dans la norme de l’underground. Une musique physique, une musique made in USA., des chansons au bord du vide. D’un côté de l’Atlantique, le Velvet Underground, de l’autre Soft Machine et Gong, et Kevin Ayers. Avec la bande d’anglais, on changeait de registre. Une musique pour la tête (qui dodeline légèrement). Un apprentissage aux drôles de sons pétés, délicats, rarement exhibitionnistes, comme un jardin british (bien entretenu) à l’architecture folle.
La voix grave-indolente s’est cassée.
Il y a une bonne dizaine d’années, discussion rue Sainte-Marguerite avec Didier Comes (et Douce). On parlait des tendances en bd (la bd historique et les débuts du fantastique alors que lui avait déjà tout mixé), des tirages. Des 200 000 exemplaires de Silence, de ses dernières parutions qui se vendaient nettement moins. Pour lui, compte tenu de ce qu’il racontait, les tirages récents n’était pas anormaux. C’était la quantité de Silence vendus qui était anormale. Une autre discussion à Theux (Trooz?) où il me vantait la grisaille, la brume et l’humidité de sa région, les sapins et tout ça, me proposant 6 ou 7 doigts de whisky… tout ce que je ne peux pas saquer ! La brume, les sapins et le whisky.