Un mec de 60 balais en face de moi qui n’arrête pas de téléphoner. Il s’excuse chaque fois après avoir dit « Bonjour, je ne vous dérange pas ? » A chaque fois il parle de clef. Je comprends rien. Je me fais un cinéma. Il a une gueule de propriétaire qui fait chier ses locataires. De temps en temps, il sort fumer une clope. Il a deux paquets de marques différentes. Donc, je lui attribue le rôle du proprio harcelant ses locataires. Ou une gueule de huissier. Oui, il a une gueule de huissier !
Vers 13h00, il recommence encore une fois son laïus. Sur ce coup-là, je filtre les voix du bistrot pour me concentrer sur la sienne. Pas facile avec les bébés-babas et leur clebs à la table d’à côté. Il dit à son interlocutrice qu’il est vraiment désolé de la réveiller mais qu’il a besoin qu’on lui ouvre, que ses parents sont partis à Bastogne, qu’ils ont oublié de lui laisser la clef en sortant du CHU, qu’il ne va pas monter à Bassenge si c’est pour trouver porte close.
Une ancienne blonde énervée de 60 balais vient le rejoindre. Elle s’assied en face de lui, me tourne le dos. Elle lui dit excédée : « T’en as pas marre de faire chier blablabla. » Vingt minutes plus tard, elle s’assied à côté de lui. Tous les deux face à moi. Il se lève à nouveau, choisit un des deux paquets et va fumer une clope. Elle, elle dit. « Monsieur, monsieur ! » Je fais semblant de rien. Elle, elle insiste. Je lève la tête, délaisse le clavier. »Monsieur, monsieur. Je suis désolée si on vous a dérangé tout à l’heure, que vous avez eu l’impression qu’on se disputait mais il m’avait fait peur. »
