Dimanche 7/11/2010
Racket des flics marocains qui ne veut pas dire sans nom . Au choix :
– Tu as fait un excès de vitesse mais on peut trouver une solution (en lisant une indication manifestement fictive sur un gros revolver en plastoche style Star wars / Fisher price)
– Là, tu vois, il est marqué Stop, et tu n’as pas marqué d’arrêt (Trou-de-balle, c’est toi qui m’as fait signe d’avancer alors que je freinais à la vue du panneau Stop !)
– On n’a été gentil avec toi, ça fera seulement… !
Par contre, moments de gloire sur une centaine de kilomètres, à raison d’un contrôle toutes les vingt bornes. Au choix:
– Ah, et lui, c’est Jean-Claude Vandamme ? (à JM montrant nos passeports alors que j’étais au volant)
– C’est son frère? (à JM)
– Ah, il est enseignant ! Prof de karaté ?
Et puis, on sent une tension. A Tanger, en regardant la tv, on avait cru comprendre qu’il y avait des «trucs» avec les Sahraouis, le front Polisario. Il y avait aussi des images qui célébraient la Marche Verte. Vive la royauté bananière !
Vers 13 h, frontière. On sort du Maroc (du moins, on aimerait !). Idem tous les 10 mètres (Je parle du racket et de Jean-Claude ). On s’en sort pas trop mal avec nos gueules d’occidentaux bornés ! JM est une vraie teigne quand il est question de matabiches. En ai parlé plus tard à un Guinéen : clair que pour les Noirs, les Maures ne se gênent pas ! Nous, on peut encore y aller d’un « Pas de souci, on sonne à l’ambassade ! »
Reste l’expérience magique, solitaire en duo, de centaines de kilomètres de désert gravés dans la tête. Toujours le désert. Faudra qu’on reparle du désert. Celui tout droit sorti d’un western, celui tout droit sorti de la Guerre des Étoiles. Le désert lunaire, le désert minéral, le désert au sable rouge, ocre. Le désert de « Tintin au pays de l’or noir ». Le désert Canyon, le désert vraiment désertique avec Rien de Rien à l’horizon, rien que du sable s’accrochant à des dunes « montagnes russes ». Et sur les bas côtés du bitume, des centaines de pneus éclatés de poids lourds, des restes plus ou moins récents d’ânes, de moutons que les mêmes poids lourds ont striké.
Vers 15 h, passage en Mauritanie. Une piste de caillasse entre les 2 postes frontière. Avec un Toyota Rav4 conduit par deux toubabs. Deux visages pâles perdu dans la colonne de camions. Et toujours ce drôle de racisme anti Noir. Jusqu’à la frontière marocaine, super route bitumée. Après le poste-frontière, on te fait bien sentir que, maintenant, tu rentres dans un autre monde. No man’s land de plusieurs kilomètres avant d’atteindre le poste frontière mauritanien. Piste chaotique de cailloux et de roches. Fini la belle vie en bitume tout frais ! Ici, cher voyageur, t’es chez les sauvages !
Flash back de quelques jours. L’enclave de Ceuta, quand les espagnols marquaient leur mépris par rapport à tout ce qui était en bas de la méditerranée. Le racisme poupées russes .
Silence, cut up, surréalisme, juste des moments, coups de zoom, cut up sous le soleil exactement :
Toyota Rav4 noyé au milieu des bahuts / Mauritaniens qui viennent proposer du change ou de la ganja / caillasse / à l’ombre du poid lourd qui précède / sous le soleil exactement / on avance à coups de 10 mètres / assis le cul sur des cailloux à l’ombre d’un poid lourd en attendant les prochains 10 mètres / heure de la prière: on sort les tapis / Toujours sous le soleil exactement / deux nouveaux copains: Ibrahim et Mohamed / un Noir et un Maure / on aborde l’escalavage / Silence / discussion à l’ombre du camion qui nous précède / la file avance brutalement de 30 mètres / assis sur la caillasse avec nouveaux amis / vivent du change, de petits services, de tuyaux pour gagner du temps / Toujours sous le soleil exactement / passage de la frontière : 5 militaires mauritaniens + 1 instructeur français + 1 berger allemand complètement hystérique / berger allemand fou dans le Rav4 / au cas où / la madame qui nous a vendu le Rav4 est une grosse fumeuse de beu / on sert des fesses / « J’espère qu’elle n’a rien laissé dans la bagnole » / MIDNIGHT EXPRESS / on s’imagine en tôle sous le soleil exactement / Nothing ! / OUF ! / WELCOME TOO MAURITANIE ! Toujours sous le soleil exactement.
17 heures, trois contrôles, trente kilomètres plus loin. Nouadhibou. Direction : campement Abba. Rien à voir avec Priscillia, la folle du désert. Gaffe à la circulation. Se faufiler entre les ânes et les Mercedes. Un âne pour deux Mercedes. Mercedes, modèle Derrick vert-caca. Belle rencontre au campement: Moussa-le-touareg. JM ironise sur la spécialité des touaregs-passeurs-de frontières, les trafics en tout genre, précisément le trafic d’armes. Moussa rit, propose des bijoux en or. On retrouve Ibrahim au campement, en soirée. Le soir, éclairs fluos au coin supérieur de l’œil droit. Beau ! Comme si on m’avait greffé des leds. Je ne savais pas encore que je me ferais opérer d’urgence à mon retour dans la neige. Décollement de la rétine.
Le soir, on arrive tout doucement dans la savane. De la verdure, enfin. On s’arrête, on campe en bord de route.
Premier jour sans se laver, premier jour caca-nature. Dernier jour à bouffer le fromage qui squattait le Rav4 depuis Liège, et qui se laisse méchamment aller. La gueule du camembert !
