Dans boulot 1 (accueil dans un hôpital), il y a ce vigile/steward chrétien qui me dit que, à force de nous moquer de dieu (Dieu ?), c’est tout à fait normal ce qui est arrivé à Charlie. Toujours dans boulot 1, au début des années 2000, à mes débuts, il y avait très très peu de « port du voile » (je parle de foulard, pas de hijab). Petit à petit, le port du voile s’est instauré comme norme chez les femmes orientales, de l’Afrique du Nord et de l’Ouest. Petit à petit, je me suis auto persuadé que je n’étais guère tolérant, qu’il fallait que je sois moins psychorigide quand j’abordais la thématique de la laïcité, qu’il fallait que je me mette à la place de l’autre, à l’image de mes camarades de gauche (en général, des hommes). Et puis, il y eut ce moment où je me suis rendu compte que, lorsqu’un couple m’adressait la parole, je ne regardais plus (n’osais plus?) l’épouse voilée dans les yeux. Je regarde son mec. Aujourd’hui, le port du hijab a gagné.
Dans boulot 2 (chargé d’enseignement dans l’enseignement supérieur officiel), on renvoie une secrétaire chez elle parce qu’une croix barrait son t shirt noir (croix « du style gothique/Madonna dans les années 80 »). Hors de question qu’un tel t-shirt se ballade dans les couloirs d’une école supérieure de l’enseignement officiel ! Quelques années plus tard, un membre du personnel administratif de la même école affirme de plus en plus son attachement à l’Islam. Après le refus de la bise à ses collègues masculins, elle passe au port du foulard, s’absente lors des jours de fête musulmane. Aucune réaction, au nom de la tolérance.
Il y a ce père, à la fin des années 90, journaliste de gauche vraiment laïc de chez Laïc, avec qui je parle des choix scolaires concernant nos enfants. Il me dit qu’il a « mis » son fils dans une école catholique parce que l’enseignement y était meilleur. Un peu par provocation, je lui demande : Et dans le cas d’une prière ou d’une messe auquel il devrait participer ? Il me répond : Je lui ai dit qu’il n’avait qu’à penser à autre chose ! Apprentissage de la schizophrénie. Il y a peu, discussion entre deux potes trentenaires athées/agnostiques/ laïcs/etc qui s’enorgueillissaient que l’une inscrive sa fille dans la même école catholique qui avait été la leur il y a une bonne quinzaine d’années.
Je respecte (vraiment) tous mes amis athées/agnostiques/laïcs/etc qui mettent leurs enfants dans « le libre » mais, s’il vous plaît, je ne vous permets absolument plus (humour) de défendre becs et ongles la laïcité (humour bien que).
Il y a cette jeune femme de mon entourage proche, conseillère communale PS dans une commune de Bruxelles, qui sait qu’elle sera jamais échevine parce que barrée par un résident bruxellois allochtone qui fera le plein des votes communautaires alors que le Belge vote traditionnellement la tête de liste. Son parti, ex fanatique de la laïcité, au nom d’une pseudo tolérance camouflant tant bien que mal un désir de clientélisme effréné, s’est converti au multi-confessionnalisme. Elle sait aussi, pour l’avoir expérimenté, qu’il est hors de question de distribuer ses flyers électoraux dans les bistrots tenus par les Belges d’origine allochtone, qu’il est encore plus hors de question d’aller discuter du rôle de la femme dans ces communautés.
Il y a ces agressions verbales ordurières constantes (+ crachats) dont se plaignent ma compagne, mes étudiantes, mes amies, mes copines qui font qu’elles entreprennent des détours insensés pour rentrer chez elles à pied plus ou moins paisiblement, de jour comme de nuit. Je sais que les mâles blancs ne sont pas en reste question vulgarité et violence verbale… mais ces blancs crétins, qui sévissent en général après le coucher du soleil, ne justifient pas leurs agressions au nom d’une religion qui les absoudrait et justifierait « théologiquement » cette violence (ce sont justes des crétins grabataires phallo/miso/sexistes, ce qui n’est pas une excuse). Il y a certains de mes potes de gauche qui haussent des épaules, légèrement incrédules, devant ces assertions. Normal ! Ils sont vieux, ne portent pas de jupe et n’ont pas de seins (humour bien que) ! Il y a ces autres copines de gauche qui travaillent en général dans le culturel/social/politique, qui feignent l’ignorance et revendiquent la tolérance. Normal ! Elles n’ont plus 20 ans depuis longtemps, habitent en général en dehors de la ville, ne s’y déplacent qu’en voiture et me demandent de les raccompagner jusqu’à leur voiture quand on se fixe un rencard en soirée (humour bien que !)
Et moi, l’autochtone athée/agnostique/etc, qu’est-ce que je fous dans tout ça ?
A la louche, succinctement, en résumé.
1 – J’en veux à l’Occident (donc moi) d’avoir couvert/soutenu/initié tous ces régimes dictatoriaux issus de la décolonisation, du Proche et Moyen Orient et, donc, par exemple, d’avoir ignoré les conditions de vie misérable des populations, d’avoir ainsi/indirectement participé à la création des frères musulmans etc
2 – J’en veux à ma génération de visages pâles d’avoir défendu l’indéfendable avec l’état d’Israël et, donc, par exemple, d’avoir indirectement participé à la création de nouveaux peuples « martyr »
3 – J’en veux à mes « camarades» laïcs (moi itou) qui, au nom de la tolérance, de l’anticapitalisme, de culpabilités post coloniales ont fermé les yeux sur ce nouveau fascisme pur et dur qu’est l’Islam radical (c’est moins culpabilisant de s’en prendre à Lepen/de Weever/etc alors que leurs « valeurs identitaires» participent du même fonctionnement)
4 – J’en veux à nos livres d’histoires de ne pas avoir raconté à ces communautés allochtones d’ici le panafricanisme du début des sixties et ces hommes africains qui pensaient l’Afrique, ces héros/héraults laïcs
5 – J’en veux au capitalisme, religion d’obédience occidentale qui a fait fort, question dégâts
STOP ! Arrêter de s’autoflageller.
Spécialité judéo chrétienne l’autoflagellation et l’autoculpabilisation (l’épisode de la joue droite qui s’en prend une après la gauche, le mythe du pardon, etc)
Toujours à la louche, en résumé, succinctement.
1 – Je suis fâché d’être sorti tant bien que mal d’une éducation en grande partie catholique (enseignement) pour me retrouver à la case départ avec l’Islam
2 – Moi, athée/agnostique/laïc profond, j’en arrive à revendiquer fièrement Noël comme ma fête religieuse quand un barbu agressif me demande pourquoi il ne peut pas prendre rendez-vous chez un médecin/kiné/assistante sociale le 25 décembre de même que je revendique le 1 mai comme l’expression d’une foi profonde auprès d’un visage pâle excité qui ne comprend pas que le service facturation ne soit pas accessible ce jour-là (boulot 1)
3 – je suis très remonté contre ces laïcs de l’extrême qui vivent la laïcité comme une religion, ce pays qui subsidie l’enseignement libre au nom du pluralisme, cet état qui ferme les yeux sur les pratiques de l’enseignement de l’Islam
4 – Je suis très-très fâché quand on sait, par exemple, que ce sont les Turcs expatriés qui ont fait, in fine, réélire ce fasciste islamiste qu’est Erdogan.
5 – Je suis fou de rage avec des envies de meurtre quand des amies me racontent s’être faites traiter de grosses putes et cracher dessus par des mecs de 10 à 50 ans qui justifient ça au nom de leur religion parce que, « chez eux, c’est comme ça » ( évidemment, je n’oublie pas les crétins grabataires phallo/miso/sexistes blancs)