Perec, en jouant (2/5)

le 4 mars 2014 Il se souvient n’avoir jamais été à l’aise avec le mot «artiste» Je me souviens d’une Ford Escort sponsorisée par Bastos, de ma mère fumant des Belga, de l’écurie Ligier aux couleurs de Gitane, du cancer du cow-boy Malboro, d’avoir arrêté de fumer un an le soir où je me suis rendu compte que je terminais mon troisième paquet de Gauloise sans filtre, d’une BMW sponsorisée par Bastos aux 24 heures de Francorchamps. Il se souvient du premier album de Suicide, de London calling des Clash. Des Ramones, de la sortie de Never mind the bollocks, des concerts des Violent femmes, des Feelies, de Wreckless Eric, de Frank Zappa, de Coco Rosie. Je me souviens avoir eu un problème avec les points virgule jusqu’au jour où j’ai écouté l’interview d’un auteur qui disait que «c’était un point de faux cul, de mecs qui osaient pas mettre un vrai point». J’ai toujours le même souci avec les guillemets qui étranglent des pans de phrases, je préfère les italiques bien que. Il y a un côté didactique dans ces mots penchés, un côté «Là, tu vois, ami lecteur, faut que tu fasses encore plus attention, que t’hésites pas à ouvrir ton dictionnaire, à pianoter Wikipedia». Il se souvient de Gainsbourg qui disait qu’il ne portait pas de calbar parce que ça faisait pansement. Je me souviens de l’affiche de Elsa, la louve des SS, de David Hamilton qui mettait de la vaseline sur ses objectifs pour rendre ses photos toutes floues. Je me souviens de la librairie Peperland, à Bruxelles, de Tania -sa proprio à l’œil de verre-, d’y avoir découvert Philippe K.Dick, Asimov, la SF, la couv du premier numéro de L’écho des savanes, par Mandrika, où l’on voyait un ovule, poursuivi par une bande de spermatozoïdes, gueulant : «Au viol!». Je ne sais toujours pas s’il faut mettre un point après des guillemets en fin de phrase, même si on m’en a expliqué les règles mais. Il se souvient d’avoir travaillé comme femme d’ouvrage à Bruxelles, à l’usine près de Charleroi, du cancer du sein de sa mère, du cervelas croquant accompagnant les frites mayo -boulevard Général Jacques-, des frites au sirop d’érable à Montréal, du rhum 55° en Guadeloupe, à 3 heures du matin, après avoir tué le cochon, juste avant de préparer le boudin. Des Everly brothers sur sa platine Dual, dans son kot, à Charleroi, rue des sports, juste en face du terrain du Sporting.

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