Musique vaguement jazzy, ambient doucement électro dans le bistrot place du Marché, sons qui s’évanouissent dans l’air automnal. Froideur du début de soirée qui donne un aperçu de ce qui va suivre en novembre, qu’on risque de se geler les couilles sévère.
Lui, il s’en fout de novembre. En décembre, il déménagera un mois au Mali.
Encore des voix qui surgissent de la terrasse. Fortes, les voix. Soit parce qu’il faut gueuler pour se réchauffer, soit parce que l’air automnal est particulièrement conducteur. Lui, il est rentré dans ce bistrot parce qu’il s’est dit que c’était un bon endroit pour écrire. La voix qui vient de rentrer vient de Galice, une Erasmus au rire tonitruant. Une grosse fleur rouge sur le dessus du crane. Il l’a déjà vue plein de fois à l’Aca et dans le bistrot près du fleuve. Elle, elle est rentrée avec son rire tonitruant. Elle a commencé par dire qu’elle aimait le chocolat. Le patron lui a dit qu’il lui offrirait du chocolat. Après, elle a dit qu’elle aimait le wisky. Le patron hésite, lui dit qu’elle est terrible. Le mec en face du patron se joint au processus d’hypnose. Elle est terrible, disent-ils. Le mec en face du patron les quitte, le patron lui souhaite une belle nuit à lui et à sa femme. Il se retrouve seul avec la galicienne.
Dehors, en terrasse, un mec avec une fine chemise à carreaux bleus et blancs commence une théorie sur Les feux de l’amour qu’il regarde quotidiennement. Lui, à l’intérieur, juste à côté de la porte ouverte, il la ferme. Son meilleur ami en Belgique -l’autre meilleur ami vit au Mali- est fan de la série, en plus d’être une pointure en électro. D’accord, ça n’a rien à voir l’électro et Les feux de l’amour! Juste un paradoxe. Lui se dit que cet ami-ci ne sait même pas qu’il est un de ses deux meilleurs amis.
« J’ai une chemise de bureau sauf que j’ai pas de bureau ». A 42 ans, le fan des Feux de l’amour à la chemise fine grelote, se demande qui il est. Il explique qu’il y a des gens qui l’enterrent avec ses 42 ans. Il dit qu’il a dit aux gens de la fgtb: transférez mon chômage dans les Caraïbes et vous n’entendrez plus parler de moi. Le patron du bistrot lui répond que la vie est cher là-bas, dans les Caraïbes.
Le mec de tantôt, avant de partir rejoindre sa femme, demanda au patron si, dans son activité de patron de bistrot, il avait l’occasion de voyager. Le patron tout noir répondit par l’affirmative, justifiant ainsi un voyage récent en Bretagne et au Mont Saint-Michel.
Lui, il s’est retrouvé avec son ordi à l’intérieur du bistrot, juste à côté de la porte, avec son cousin juste à la table d’à côté. Dehors, l’air automnal -puisque la porte est ouverte. Dedans, un chanteur français dont la voix ne lui dit rien chante quelqu’un qui est en train de dégueuler, juste à côté de la table à langer.
Ça tombe bien, Gainsbourg et Bashung sont morts.