Il quitta le territoire des Basses-Terres aux prémisses de l’aube, remonta l’allée de schiste rouge surmontée du grand baobab décharné. Ses racines à fleur de terre, tortueuses, lui indiqueraient le chemin du retour. De ça, il était sûr. Il s’inclina devant le vieil arbre à la sève âcre, escalada la première des sept collines. Chacune d’entre elles avait une histoire inscrite dans le ventre des marais. Ici, la nature avait encore son mot à dire, ce qui n’interdisait pas aux saisons de s’étendre mollement dans une douceur moite et chaude. Les gens d’en bas lui avaient appris les vertus de la boue rouge pour soigner les plaies quand ils l’avaient trouvé surnageant entre deux eaux, il y a plus d’une dizaine de mois. Les quatre saisons moites et chaudes lui avaient dessiné de belles cicatrices à fleur de peau, tortueuses. Il caressa la poche revolver gauche de son jean, sourit. Il en avait fini avec l’escalade de la première colline, s’arrêta au sommet. Il se retourna et sourit en direction du feuillage décharné du baobab. Il esquissa très vite une grimace, plutôt un sourire grimaçant. En bas, tout était immobile. Pas le moindre remous n’agitait la surface empourprée des marais. Un tapis d’hibiscus en fleurs marquait une limite douce et tourmentée entre la terre ferme et le liquide flasque terre de sienne, aux reflets rougeoyants. Il était prêt à quitter sans nostalgie le pays des marécages pour regagner le Pays-Glacé. Il savait qu’il appartiendrait pour toujours à la lagune des Sirènes. Il prit la direction de la seconde butte. Ce qui était certain, c’est qu’il ne regretterait pas ce jus verdâtre, épais, gluant, le tô, qu’elles lui versaient dans un bol de mil, chaque jour juste avant que le soleil se couche. Il esquissa à nouveau un sourire grimaçant. Glissa sa main dans la poche revolver gauche de son jean, caressa le caillou terre de sienne aux reflets rougeoyants qu’elles lui avaient donné la veille juste avant que le soleil se couche.
une autre histoire de Baobab, illustré par Cécile Simonis :
https://michelvandam.com/2013/10/03/la-falaise-de-bandiagara/
Une réflexion sur “Les feuilles âcres du baobab”